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G a b y ' s   H o m e

 30.11.1997   

Pour ou contre les Tamagoshi ?

par Marie-Hélène KFOURI in Le Chantier, mensuel de l'oeuvre chrétienne et sociale n°1075, 30 novembre 1997


L'arrivée en masse sur le marché du jouet français du "tamagoshi" nous a conduites à nous poser quelques questions de bon sens sur les raisons de l'impact de ce jeu sur nos enfants.
En effet, ce divertissement, déjà proposé de manière plus sophistiquée sur CD-Rom, était par son support même, réservé à des initiés et à des personnes au mobilier informatique déjà très performant. La vulgarisation de ce jeu désormais appelé "Tamagoshi" (nous verrons pourquoi par la suite) et présenté à un prix attractif (aux environs de 100 francs pour les modèles originaux et 60 francs pour les copies asiatiques) l'a mis à la portée de tous les milieux.

Présentation du jeu

Né au Japon, comme le laisse entendre son nom (tamagoshi veut dire "oeuf" en japonais) ce jeu ce présente sous la forme d'un petit boitier coloré de forme ovoïde, tenant sans peine dans le creux de la main.En son milieu se trouve un écran sur lequel s'affichent diverses informations et, sous cet écran, plusieurs petits boutons aux multiples combinaisons permettent de manipuler le jeu. Au sommet de l' uf, un petit orifice est prévu pour laisser le passage d'une chaine, card ce jeu est conçu pour être porté en permanence par l'enfant, autour du cou par exemple.

Mode d'emploi

Il faut avant tout initialiser le programme. Pour cela, rien de plus simple : il suffit d'appuyer sur un bouton au dos du tamagoshi et ainsi apparait sur lécran une petite créature qui varie selon les jeux (chiens, dinosaures, extra-terrestres... et même parfois bébés humains !). Ce petit être virtuel ne demande plus qu'à se dévélopper grâce à de bon soins. En effet, c'est le joueur qui en le nourrissant, le nettoyant, lui prodiguant des caresses afectueuses (une manipulattion est prévue pour cela !) va le faire passer du stade bébé à celui d'adulte.

  • Grâce aux diverses combinaisons permises par les boutons, le joueur peut à tout moment contrôler le poids, la taille, l'âge et l'humeur de son petit compagnon virtuel qui, précisons-le, appelle au moyen d'une sonnerie lorsqu'il a un besoin particulier.
  • Si tout va bien, si les soins sont appropriés aux besoins de la "créature", elle a une durée de vie d'environ trois mois. Sinon, elle meurt prématurément. Il ne reste plus qu'à ré-initialiser un autre programme en appuyant sur le bouton au dos du jouet. Et le système dure autant que dure la pile !
  • Cette petite merveille technologique qu'est le tamagoshi est loin d'être un jouet inoffensif et encore moins éducatif. Divers aspects nous ont semblés inquiétants et méritent à ce titre d'être signalés.

Confusion entre le réel et le virtuel

La première réticence que que nous avons à l'encontre du tamagoshi est de même nature que celle qui est faite ordinairement à la plupart des jeux virtuels. De nombreus articles et ouvrages ont déjà alertés lles parents sur cette ambiguïté entre le réel et le virtuel qui peut perturber les enfants et conduire les plus fragiles d'entre eux à faire une totale confusion entre les deux. Dans certains cas, l'Enfant en arrive à ne plus savoir dans quelle dimension il évolue et à perdre ainsi toute notion de réalité. Ce manque de discernement amène les plus vulnérables à une inadaptation partielle ou totale, à engager une action efficace.
La portée de ce danger peut être atténuéeselon la nature de la créature proposée par les différents tamagoshi. S'il représente un animal, voire un bébé humain, la confusion reste possible. Si par contre il s'agit d'un dinosaure ou d'un extra-terrestre, il est bien évident que l'enfant équilibré peut se rendre compte par lui-même qu'il est dans un monde imaginaire.

La confusion réaparait, mais sur un autre plan, lorsque le programme, par exemple, propose à l'e,fa,t les lettres de l'alphabet à son chien virtuel. Dans ce cas précis, l'intelligence et le perfectionnement intellectuels, qui sont le propre de l'homme, sont attribués à un animal. L'amalgame est alors vite fait dans la tête de l'enfant : son chien sort de sa catégorie animale et devient quasi humain. Il est donc question, non plus du dressage de la bête mais bien d'une uvre d'éducation. Dans un tel contexte, le jeune enfant perd tout repère : les genres sont faussés.

Perturbation de l'affectivité de l'enfant

Le Tamagoshi nous semble encore plus inquiétant car il fait intervenir très fortementla sensibilité de l'enfant et cela de façon quasi continue puisque, ne l'oubliont pas, il porte ce jeu en permanence sur lui. C'est là la grande nouveauté de ce produit et ce qui fait de lui une présence plus qu'une activité ludique

Ainsi une enfant normalement constituéne peut que se prendre d'affection pour ce petit être dont il a la chargeet qui ne le quitte pas (de jour comme de nuit : la "bestiole" appelle à l'aide sans tenir compte de l'heure, perturbant ainsi le sommeil de sa "nounou"). L'enfantse sent responsable de cette "créature qu'il voit grandir peut à peu et dont il suit l'évolution de très près puisqu'il peut à tout moment en consulter le poid et la taille.
Ce sentiment d'affection est renforcé par le fait que la "créature" se manifeste, donnant ainsi à l'enfant une fausse impression d'échange. Par diverses mimiques très expressiveset avec lequellesles enfants sont très familiarisés par le biais des bandes dessinées, la "bestiole" exprime des émotions humaines : contentement et satisfactions, colère, chagrin.

Les victimes potentielles

Ainsi il est aisé de de voir que du point de vue affectif, l'enfant est totalement impliqué. Et cela d'autant plus que la "créature" virtuelle semble répondre à son affection par l'expression sur son écran de son degré d'amour. Ainsi trois coeurs symbolisent un amour immense ; deux coeurs un amour moyen et un seul cour un sentiment voisin de l'indifférence. cet affichage sentimental est tout à fait arbitraire. dans un tel contexte, imaginez la la déception, voire l'incompréhension, d'un enfant rempli d'affection pour son petit protégé et qui ne reçoit comme réponse qu'un seul coeur ! Une telle situation peut être très perturbante pour un enfant en quête d'un retour d'amitié.

Il nous semble qu'il y a là danger pour les enfants fragilisés affectivement, c'est à dire plus précisément pour ceux qui souffrent de solitude et qui ont l'impression à tort ou à raison, d'être mal ou pas aimés. le tamagoshi devient alors une solution de refuge. nous pensons là tout particulièrement aux enfants qui vivent dans le cadre de familles éclatées, qui ont connus des chocs émotionnels douloureux tels que divorce, décès de parents...
Les enfants au caractère naturellement renfermé ou repliés sur eux-mêmessont également concernés; le tamagoshi ne peut que les emmurer davantage en leur donnant l'illusion éphémère d'un contact superficiel et non enrichissant.

Pour cette catégorie d'enfants, les conséquences de la pratique du tamagoshi sont bien souvent attristantes.
De plus, n'ayant d'autres possibilités de manifester ses sentiments qu'en appuyant sur les boutons, il est à craindre que peu à peu, l'enfant ne cherche plus à faire l'effort de les exprimer par un langage et des gestes appropriés. la mécanisation pour ainsi dire du sentiment risque de conduire à une paralysie dans ses relations avec autrui.

Un sentiment de tristesse.

Les enfants qui se sont affectivement attachés à leur "créature" ne peuvent qu'éprouver de la tristesse, voire un réel chagrin, quand le programme de vie de leur petit pensionnaire est achevé (environ 3 mois).
De plus, ce sentiment objectivement respectable de douleur est en quelque sorte banalisé par la possibilité de faire renaître une autre "bestiole" identique en appuyant sur un bouton.

La démarche est tout à fait différente lorsque l'enfant perd un véritable animal domestique (hamster, lapin, cochon d'Inde, etc..). Même si les parents lui en procurent un autre, aux yeux de l'enfant le nouveau venu restera différent du précédent. Plusieurs indices lui rappellent ce fait: différences physiques, autre caractère, donc autre comportement. Son sentiment de souffrance provoqué par la perte de son animal favori sera certes atténué par la enue du nouveau, mais pas banalisé, ni annéanti comme avec le tamagoshi qui en propose une copie conforme. Là se trouve la limite de ce programme informatique très sophistiqué, mais qui ne peut proposer qu'un éternel recommencement.

Un sentiment de culpabilité

Ce sentiment de chagrin peut se doubler d'un sentiment de culpabilité lorsque, par suite d'inattention ou de soins mal adaptés, la "créature" meurt prématurément, aant la fin prévue du programme, et cela pour diverses raisons: manque d'hygiène, mauvais nettoyage des déjections, faim, etc. L'enfant se sent alors responsable d'un décès virtuel. Le fait peut être traumatisant pour un enfant fragile, d'autant plus que les signes de mort sur l'écran sont très évocateurs: la petite bête vole avec des ailes d'ange tandis qu'une croix clignotante symbolise le trépas. L'utilisation de symboles chrétiens n'est pas anodine.

Mais là encore, le schéma est le même que précédemment. Par la possibilité de ré-initialiser un autre programme, on détruit chez l'enfant toute notion de responsabilité. S'occuper d'un animal virtuel est facile: les actes du joueur sont finalement sans conséquence puisque de toute façon tout recommence.

Le développement d'un sentiment de puissance

Ce mode du virtuel qui, par l'intermédiaire deu tamagoshi, fait son apparition dans la vie quotidienne de l'enfant, n'est pas sans incidence sur un autre aspect de la personnalité enfantine: la perception qu'il a de lui-même et de l'autorité qu'il peut exercer sur les autres.
Aux commandes de son jeu, tout lui semble possible, il a même pouvoir de vie et de mort sur un petit être dont il est en principe responsable sans avoir pour autant de compte à rendre à personne.

Cette sensation de puissance est d'ailleurs tout à fait illusoire car c'est en fait la créature virtuelle qui mène la danse: quand elle décide quelque chose il est impossible de la faire changer d'avis! En ce sens elle est pire qu'un enfant capricieux car il n'y a aucun moyen d'avoir prise sur elle.
Il est aisé de voir que les enfants menacés par le tamagoshi sont ceux qui sont psychologiquement fragilisés par les diverses raisons déjà évoquées (familles désunies, etc.). la pratique assidue (et selon la nature même du jeu, il ne peut en être autrement) du tamagoshi met en danger la structure même de leur personnalité.

Les enfants les plus solides affectivement, vivant au sein de familles équilibrées et qui, de par leur éducation ont l'habitude d'activités exigeantes et responsables, semblent moins menacés. Car, même s'ils succombent à un effet de mode, ils s'apercevront vite de la débilité du jeu dont ils se lasseront rapidement. cela est pourtant moins vrai pour les plus jeunes d'entre eux qui sont plus vulnérables du fait même de leur jeunesse.

Ce qui nous gêne au plus haut point dans ce jeu virtuel, c'est la servitude à laquelle il réduit l'enfant en le soumettant ainsi continuellement à un pouvoir mécanique. de ce point de vue, il est, semble-t-il, encroe plus pervers que la télévision car il se porte en permanence sur soi. de plus il est impossible de s'en servir uniquement de temps en temps, la "créature" virtuelle exigeant des soins réguliers.


L'enfant devient donc bien un esclave, et qui plus est, content de son sort et insouciant de son état de servitude.

De toute façon, les parents soucieux du bien de leurs enfants, auront toujours à coeur de leur procurer ce qui les attire vers le haut et le tamagoshi nous semble plutôt tout précipiter vers le médiocre.
La vigilance s'impose d'autant plus que la rapidité des progrès techniques est telle que les tamagoshi vont être très certainement "perfectionnés" dans les mois à venir [novembre 1997]. On peut aisément imaginer des jeux capables de donner des ordres aux enfants supplantant ainsi l'autorité parentale. Cet avis est renforcer par l'énorme succès financier de ce jeu. Il serait étonnant que ceux qui l'ont coonçu ne profitent pas davantage du marché qu'ils ont su créer.
Pour l'instant nous sommes encore dans le domaine de la science fiction mais tout porte à croire que comme Jules Vernes, nous nous retrouverons bientôt prophète.


Marie-Hélène KFOURI in Le Chantier, mensuel de l'oeuvre chrétienne et sociale n°ree;1075 30 novembre 1997 24 rue Hénard 75012 PARIS tél 01.49.28.51.40 © copyright Le Chantier 1997.

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Last Update : 05.08.2021

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