Les jeux de négociation par correspondance
Le jeu par correspondance, dans le domaine des jeux de simulation comme dans celui des jeux de réflexion, est né de l'impossibilité pour beaucoup de joueurs de disposer tout à la fois de suffisament de temps, de partenaires (et d'espace !) pour jouer une partie dans des conditions satisfaisantes. Pour ce qui est des jeux de négociation, la correspondance est pratiquée essentiellement depuis la seconde moitiée des années 60, sur Diplomatie et ses variantes essentiellement. Ce mode de jeu a connu une grande ampleur, au point d'être aujourd'hui considéré comme une discipline à part entière.
De nombreux jeux autres que Diplomatie ont été adapté à la correspondance. Entre autres Civilisation, Imperium Romanum, Empires In Arms, Machiavelli, Stellar Conquest, Dune, After The Holocaust, Railway Rivals, Fief, Warlords, Imperial Governor, Kingmaker, Junta, Samourai, Vice Roys, tous des jeux de pouvoir qui reposent sur les interactions multiples des camps en présence. De nombreuses variantes de ces jeux ont aussi vu le jour, adaptées spécifiquement à la correspondance. Mais quel que soit le jeu, la correspondance reste une discipline qui a ses rêgles, ses us et ses coutumes.
Le fonctionnement
Le jeu par correspondance nécessite d'abord un arbitre ou un maitre de jeu (MJ), responsable du respect des rêgles et du bon déroulement de la partie. C'est lui qui attribue les camps (pays, puissances) en fonction des préférences de chacun. Chaque tour (mois, saison), les joueurs lui envoient leurs ordres. Dans le cas de Diplomatie, ce sera leurs mouvements, ainsi que leurs éventuelles retraites, constructions et retraits d'unité. Le MJ résout les conflits, effectue les retraites et les ajustements, bref arbitre, le plus vite possible afin de laisser aux joueurs le maximum de temps pour les négociations, c'est à dire entre qutre et huit semaines pour une partie postale. Il publie ensuite le compte rendu des résultats, y joint d'éventuels communiqués d'ordre général, des proclamations ouvertes de joueurs et parfois un commentaire de son cru, et envoie l'ensemble aux interessés, en fixant une date limite pour la saison suivante. La partie se termine quand un joueur remplit les conditions de victoire ou quand tous les joueurs sont d'accord sur un résultat (concession de victoire à un joueur au victire partagée). Bien entendu cet aspect mécanique du jeu repose sur le sérieux de tous les intervenants. En commençant la partie, ils ont en quelque sorte passé un contrat moral qui les engagent à rendre des ordres à temps et à ne pas abandonner. Ils se doivent aussi de respecter les conventions et la nomenclature en vigueur. Il existe en effet un "protocole de correspondance", fondé sur la jurisprudence et la simple logique, qui diffère peu d'un organisme de jeu (fanzine ou association) à l'autre.
Le phantasme ultime de la simulation
Chacun a donc le temps qu'il veut pour réfléchir et rédiger, de sang-froid, ses ordres. Ce délai permet un meilleur contrôle de la situation, évite le survoltage et la précipitation du face à face. Il conviendra surtout aux joueurs patients, réfléchis, et à tous ceux qui aiment s'accorder un temps de réflexion sans limite. Cet aspect du système est d'autant plus plaisant, que le jeu n'empiète pas ici sur l'emploi du temps du joueur : la correspondance libère des contraintes presues insupportables qu'impose le jeu sur table, et c'est peut-être au bout du compte le meilleur vecteur de diffusion d'un grand nombre de jeux de simulation.
Le jeu par correspondance repose sur un grand principe, celui de la simultanéité, qu'un créateur de jeu américain a qualifié de "phantasme ultime de la simulation". Cela obligera certes souvent les joueurs à écrire des ordres conditionnels, d'autant plus complexes que le jeu joué offr de possibilités. C'est ainsi que d'un jeu à l'autre, la rédaction des ordres demandera dix minutes ou plusieures heures, un feuillet ou dix pages. La correspondance n'est donc pas une version limitée du jeu sur table.
Entrez dans la légende
C'est en jouant pa rcorrespondance que l'on perçoit le mieux le sérieux du jeu de simulation. Certes, le plaisir de jouer est d'autant plus grand qu'il ne s'agit pas d'une compétition et qu'aucun classement ne se profile à l'horizon. Nul n'est tenu à un résultat. La convivialité est d'ailleurs l'un des principes essentiels de la négociation par correspondance, puisque les joueurs, en quelque sorte, se choisissent ; l'inscription, le choix du jeu, celui des joeurs ou de l'arbitre, tout cela est volontaire. Mais la partie est médiatisée, et c'est souhaitable. C'est ainsi que les résultats des parties organisées par les fanzines de jeux sont publiés, et que tous pourront constater vos choix et réfléchir sur voter stratégie, qu'elle ait été gagnante ou non. Ce refus de l'anonymat, cette reconnaissance est l'un des piliers du sytème. Elle va motiver les joueurs qui, inconsciemment ou pas, prendront garde à ce que leurs adversaires ne puissent stigmatiser leur comportement.Cet aspect narcissique du jeu évite dasnune certaine mesure les cartels, les suicides, les abandons qui toujours déséquilibrent une partie. Il pousse les protagonistes à essayer de gagner, et avec manière, avec panache. Les vainqueurs connaitront la renommée et le "milieu" évoquera durant des années leur triomphe. Gagner une partie (ou l'arbitrer), c'est rentrer, dans une légende qu'entretiennent, avec un grand soin depuis plus de vingt ans et dans le monde entier, les responsables pour chaque pays, des numéros "boardman", du nom du joueur-statisticien qui inventa un système pour répertorier tous les résultats des parties jouées par correspondance.
Devenez invisible
Il est évident que par correspondance les contacts entre joueurs ne sont pas aussi évidents qu'en face à face. Tous n'ont pas la même facilité à négocier et tous ne négocieront pas d'un tour à l'autre avec chacun. Il y a une déperdition à ce niveau, mais elle ne concerne pas les meilleurs joueurs. Il est inévitable qu'une différence naisse entre un joueur trop passif et un joueur raisonnablement actif. De plus, la perte d'informations est compensée par l'invisibilité des négociations... et des joueurs !
Jouez davantage
La correspondance a aussi un attrait unique : elle confère à ceux qui la pratique le don d'ubiquité, leur permettant d'être dans plusieurs parties à la fois, de tester plusieurs stratégies avec différents joueurs sur des jeux variés. C'est ainsi qu'on réalise que jouer par correspondance permet de jouer plus souvent que sur table (dasn un rapport de 1 à 3). En plus cela évite de jouer en circuit fermé, en vase clos, ce qui est l'un des plus lourds handicaps de la simulation.
Faites la une
Il convient de souligner l'importance des communiqués de presse et de tout ce qui peut leur être assimilé. Dans certaines parties, ils prendront une importance d'autant plus grande que leur impact sera grand. La presse doit être percutante. Elle est une des composantes du bras de fer psychologique qu'est toute partie. Plus que la négociation, elle cimentera, des antagonisms ou favorisera des rapprochements. Le MJ pourra accepter que l'auteur d'un communiqué se fasse passer pour un autre, et alors la presse deviendra une arme de propagande très dangereuse... à manier. La "fausse presse" jettera du sel sur les blessures, déballera sur la place publique des secrets, détournera l'attention et se fera au détriment de ceux qui ne la démentiront pas.
Les support de la communication
Une partie jouée par correspondance est d'abord une partie étalée dans le temps. Cette distorsion sur le long terme a des conséquences que le néophyte ne comprendra pas du premier abord. Aussi faut-il répertorier et examiner les moyens de communication.
Le face à face
Il est pervers, car il n'a pas de prise sur le long terme. L'image (physique) que l'on donne de soi va être associée à un type de personnalité bien précis et le champ de la négociation sera rétrécit d'autant. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. De plus, le face à face est une paire de menote diplomatiques, car il est bien difficile de nuancer la négociation, qui risque d'avancer trop vite, sans les fondations solides que donne un délai de réflexion. Enfin il est compréhensible que certains joueurs refusent tout face à face : tout le monde ne sait pas mentir effrontement et nul ne peut vous obliger à supporter le regard méprisant ou haineux d'un joueur que vous venez de rouler dans la farine. Enfin, il n'est pas souhaitable que les rencontres de visu entre deux joueurs de répètent surtout si les autres joueurs - ceux que des raisons géographiques isolent - s'en alamre. C'est pour cela que les parties les parties doivent être le plus décentralisées possible, l'idéal étant bien sûr de répartir les joueurs dans quelques pays différents espacés de quelques océans...
Le téléphone
Les communications téléphoniques sont autant d'appels au meurtre. Un coup de fil ne vous donne, par rapport au face à face, qu'un seul avantage : l'invisibilité. Mais elle a son prix, qui est l'absence totale de crédibilité de la conversation et ce d'autant plus que la date limite est proche. De plus, l'appel est toujours impromptu, le joueur appelé n'est pas forcément en position réceptive (il est impossible d'en juger), à moins qu'au contraire il ne soit en train d'enregistrer votre conversation. Imposer à l'autre l'instant de la négociation est dangereux. On s'apercevra aussi que le téléphone rend amnésique et qu'on repart toujours à zéro d'une conversation à l'autre. Bref, le téléphone n'est à utiliser qu'en cas d'extrème urgence. Il ne doit pas sonner plus souvent que celui qui relie le Kremlin à la Maison blanche.
Le minitel
En négociation directe, il cumule les inconvénients du face à face et du téléphone sans avoir les qualités de la lettre. En différé, le manque de fiabilité technique et humaine (tricheries diverses) le rendent pour le moment inadapté à toute négociation sérieuse.
La lettre
C'est bien sûr le mode d'expression le plus noble, construit sur le principe de la réciprocité (on reçoit à peu près autant de lettres... qu'on en envoie) ; c'est pour cela que la plume est l'arme préférée des diplomates, elle seule leur permet de développer un argumentation aux variations infinies. Ecrire une lettre diplomatique ne demande pas un effort particulier, tous les styles coexistent avec le même bonheur. C'est ainsi que certains mettront dix lignes là où d'autres mettront dix pages. En moyenne, elle se rédige en vingt minutes, sur une page et demie. Certaines ont beaucoup d'emphase, d'autres utilisent le style télégraphique. L'essentiel réside dans le fond du message (parfois très technique). Un style trop alambiqué ou trop volontaire risque de fixer votre image, et mieux vaut se relire... car seuls les écrits restent. Mais quelle joie de relire sa correspondance de saison en saison, de partie en partie...
Un triple intérêt
On peut faire une approche des jeux de pouvoir du type Diplomatie sur trois niveaux : tactique, stratégique, diplomatique. Chacun de ces aspects prend, par correspondance, une dimension particulière.
Le tactique
Même au niveau le plus simple, il devient passionnant dans l'attente du résultat et rend le jeu trépidant. Quelle terrible appréhension à l'ouverture du courrier de l'arbitre ! Ici, l'analyse psychologique est vitale, car l'erreur d'appréciation coûte cher et s'avère souvent irréparable. Votre adversaire est-il audacieux, prudent, imaginatif, téméraire, paranoïaque ? Le résultat des opérations à court terme est conditionné par les choix tactiques. À Diplomatie, où pourtant le système est très simple, des joueurs en arrivent même à vaincre leurs adversaires à un contre un ; l'intérêt de la correspondance ici tient à ce qu'elle permet une analyse à tête reposée.
Le stratégique
Il s'intègre dans les choix de développement, permettant de "savoir quoi faire quand il n'y a rien à faire". Par correspondance, il n'est pas relégué en arrière-planpar le tactique et le diplomatique. L'apparence physique des autres joueurs jouant moins, il accède à une dimension plus rationnelle et surtout permet une réflexion s'étendant le plus loin possible dans les futurs probables de la partie. L'écran de la correspondance permet d'élaborer des stratégies plus complexes et plus réfléchies. Ici, il s'agit toujours de garder l'initiative, mais l'adaptation aux circonstances est essentielle ;il faut apprendre à gérer le désordre et le tumulte, tout en continuant à prévoir plusieurs coups à l'avance. L'avantage d'une stratégie extrèmement poussée, c'est qu'elle tend à éliminer l'accidentel, à moins qu'il ne soit de nature purement aléatoire et par conséquent prévisible dans le cadre des lois de la probabilité. Les joueurs friands d'analyse géopolitique opprécieront donc la correpondance.
La négociation
Le jeu n'exige aucune convention morale, ce qui en fait le charme. L'univers d'une partie n'est régi par aucune loi, avec ce que cela comporte de coups fourrés. Certe le piège est de se laisser convaincre par son propre boniment. Des décisions peuvent être prises sur des considérations d'ordre psychologiques et parfois l'intuition remplace l'analyse. La négociation par correspondancepermet de faire des brèches répétées dans les accords passés sur des points mineurs. L'attitude des joueurs vis-a-vis des alliances relève ici souvent d'une démarche collective, qui a tendance à générer son propre style de jeu, sa propre morale de comportement. Il est primordial, à l'échelle d'une partie étalée sur plusieurs mois, de comprendre qu'un allié loyal n'est pa sforcément un gogo, que la diplomatie ne se trouve pas toujours être un prélude à la trahison (les traîtres efficaces trahissent rarement) et que la négociation n'est pas forcément un mensonge. Si ces principes ne doivent pes être appliqués à la lettre, ils doivent servir de point de repère à la décision. Il y a aussi un phénomène d'usure qui demande chez l'adepte des jeux par correspondance une force de caractère, une volontée déterminée. Le rapport aux autres est très important, la négociation étant une manière de partir à la découverte... de ses partenaires.
Quelques catégories de comportement
C'est le propre des diplomates de ne voir partout que des moyens provisoires en vue de fins permanentes. Les diplomates sont asservis à des circonstances et chaque tour leur ouvre un champs de possibilités différent. Le jeu leur permet de poser eux-mêmes les principes de leur action. Les limites qui leur sont imposées deviennent les rêgles d'une virtuosité où ils trouvent leur plaisir. On dit le diplomate ambivalent, idifférent à la doctrine et attaché à légitimer ses résultats, c'est d'autant plus vrai par correspondance, où la mégalomanie, la schizophrénie et la paranoïa peuvent être touchées du doigt. Il y a autant de masques de diplomates que de joueurs, mais on peut les regrouper en catégories certes caricaturales.
- Le Juriste, abrupt, dédaigne les courbettes et les ruses, et pourchasse l'hypocrisie. Il place la cohérence, le caractère, la rectitudeeu dessus de tout. Il se cuirasse contre le doute et l'incertitude par une négociation qui ne laisse rien au hasard. Il sécurise et impressionne. Déterminé et grave, son respect de la morale endors la vigilance. Les joueurs de ce type pourront se référer à Philippe le Bel.
- Le Hussard, gaillardement, enjambe la carte et dévale sur ses voisins. Toujours pressé, toujours en mouvement, il adore les batailles au corps à corps. Guerrier courageux et infatigable, le succès le galvanise. Il bouscule ses adversaires et les brutalise, sans haine mais sans hésitation. L'action chasse ses incertitudes, la fuite se fait toujours en avant. Son punch est d'autant plus redoutable qu'il peut se doubler d'une grande volubilité. Les circonstances l'obligeront parfois à se transformer en languenet, mais cela ne le rendra que plus dangereux. Charles XII de Suède correspond bien à ce type de personnage.
- L'Éminence grise (ou Père Joseph) se cache derrière une diplomatie cauteleuse et occulte. Il se veut le gourou de la partie et cherche à en apprendre tous les secrets et à en nouer toutes les ficelles. Il excelleà ruser et à tromper, à dissimuler et à feindre. Toujours complaisant, on trouvera en lui plus un confident qu'un allié, qui vous fera rêver par ses plans mirobolants derrières lesquels il cache ses propres stratagèmes. C'est une façon comme une autre d'hypnotiser ses alliés tandis que ses adversaires, eux, craindront jusqu'à l'ombre de son machiavélisme, à l'heure où les dagues surgissent de l'ombre.
- Le Bouledogue se bat pied à peid, s'aggrippe à un objectif qu'il ne lâchera pas avant d'être parvenu à ses fins. Il procède de manière méthodique et planifiées, sacrifiant tout au résultat visé. Il a une très grande confiance en lui et une plus grande encore en l'histoire. Sa résolution est une arme qui fera souvent reculer ses ennemis et qui les obligera à des compromissions unilatérales. Cette attitude présente de nombreuses similitudes avec celles d'un Churchill.
- Le Subversif exploite tout traité et toute négociation au détriment de ses interlocuteurs, et cela de façon souterraine. Poison de l'esprit, il instaure le doute et s'atache à rompre toute alliance contraire à ses intérêts. Il se sert de la diplomatie pour amener un certain résultat, paradoxal, dont il estime surtout les conséquences psychologiques sur le long terme. Habile à susciter les antagonismes, son jeu est de rendre caduque toute analyse géopolitique classique. C'est un comportement que l'on pourra qualifier de "trotskiste", ou d'une façon plus générale, de "bolchevique".<:li>
- Le Chevalier blanc, tel un paladin, se veut charismatique et altruiste. Il cherhce à capter les adhésions, se montrant solidaire des faibles et ennemi des odieux agresseurs. C'est le gendarme de la partie, une sorte de Raminagrobis coiffé d'un casque bleu. Qu'on lui donne mandat, qu'on l'investisse et il partira en croisade soutenir ceux qui auront fais de lui leur champion et lui auront juré éternelle reconnaissance. La noblesse de sa politique pourra, comme se fut le cas pour Saladin, lui assurer la reconnaissance de tous.
- Le Marionnettiste ne rêve que de tout diriger et toute sa diplomatie se concentre à cette seule fin. Cela demande une grande activité puisque l'efficacité de ce style repose sur la collection du maximum d'informations ; connaitre les mouvements des autres, c'est un peu les inspirer, c'est en tout cas la possibilité de les influencer ou de les marchander auprès d'une puissance tierce. En fait, le Marionnettiste lutte contre l'entropie qui tend à gagner toute la partie, pour instaurer un ordre qui correspond à sa vision des choses. Une des figurs fétiches des joueurs qui int fait leur ce comportement est le grand Otto von Bismarck.<:li>
- S'il est un domaine où il est possible d'appliquer des concepts abstraits, c'est bien celui des jeux de pouvoir. Le Théoricien est un joueur de long terme, qui se donne les moyens de spéculer sur la conception que se font les autres des rapports de force politiques et géographiques. Il refuse d'utiliser les composantes psychologiques de la négociation, mais modélise méthodiquement et sans relâche l'évolution de la partie. Son approche "rationnelle" (scientifique même) de la situation renforce considérablement son argumentation et valorise ses propositions. Tel Metternich, il cherchera à faire de sa vision des choses un lieu commun.
- L'Attentiste (ou opportuniste) se désolidarise de tous les évènements, temporise, refuse de prendre des initiatives et d'effectuer des choix. dénué absolument de principes et de scrupules, il fait confiance au temps. La partie viendra à lui comme la montagne vint à Mahomet. Il se contente d'affirmer sa confiance dans le destin, attendant que l'Histoire lui repasse les plats et que les circonstances semontrent bonnes filles. Eventuellement, il forcera un peu la main au destin et aux erreurs des autres. Dans le rôle du médiateur ou dans celui de l'entremetteur, il reste dans la position idéale de celui qui n'a rien à demander. Talleyrand reste un modèle du genre, mais on pensera aussi au diadoque Ptolémée Ier Soter.
Écrivez l'Histoire
Il existe unensemble de tabous et de clauses morales pas lesquelles un joueur limite implicitement ses possibilités. La correspondance permet aux joueurs de poser des conventions, de rédiger, discuter, dénoncer des traités, de déclarer la guerre en bonne et due forme, de signer des pactes de non-aggression, des accords de démilitarisation secrets ou publics, des armistices. Chaque partie a son histoire, dont les joueurs vont tenir compte. La philosophie du jeu par correspondance est différente de celle du jeu en face à face. L'ambition suprême, c'est de se voir reconnaitre la victoire. De même l'attitude à adopter, lorsque dans une parite, le sort est contraire ou qu'il s'avère qu'il n'est plus possible de gagner, peut beaucoup varier. La correspondance engendre sa propre éthique, qui discute de la valeur relativede la seconde place ou celle de la survie. C'est d'autant plus vrai que hors du cadre strict de la partie, des relations personneles vont se nouer entre joueurs. C'est l'une des séductions du jeu par correspondance.
L'un des attraits les plus fondamentaux de la correspondance est la pure joie intellectuelle, le triomphe de l'esprit sur l'adversité, sentiment à la fois grisant et louable, extatique et instructif. Le succès emplit le "diplomate" de juste considération pour lui-même, les revers le trouve toujours apprenant, toujours inventif. Il s'agit là de l'aspect le plus appréciable que le facteur d'dentification de sjoeurs au rôle joué (Abdul Hamid ne négociera pas contre Wilson) est développé et que l'agréable est joint à l'utile. Les lettres pourront en effet être très personnalisées et s'adapter aux style et à l'époque du jeu joué. Les en-têtes gagnent à simuler un contexte historique... ou fantastique. C'est ainsi que vous n'écrirez pas à Martin ou à Dupont, mais à Son Altesse Impériale Napoléon Ier, au Sublime Commandeur de Croyants, ou encore à Aragorn, fils d'Arathorn, Elessar, héritier d'Ilsidur, roi de Gondor. Au bout du compte, les parties par correspondance sont d'autant plus interessantes qu'au travers des rêgles et du cadre, les joueurs vont créer (ou plutôt recréer) un environnement moral et culturel.
Xavier Blanchot
Casus Belli n 57.
Page Casus Belli
Dossier sur les jeux
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